David Gibson

Professeur émérite à l’Université de Floride, a été accueilli à l’ESGT comme professeur invité de mai à novembre 2012. Cet accueil était financé par la Région des Pays de la Loire dans le cadre des « Chaires de chercheurs étrangers séniors » et organisé en partenariat avec l’association AFIGéo. Outre quelques interventions devant les étudiants de l’ESGT et des échanges informels avec les enseignants-chercheurs, le séjour de David Gibson avait pour but la mise en œuvre d’un projet de recherche intitulé « l’apport des systèmes d’information géographique à l’aménagement urbain - une approche comparative » et visant à analyser, aux Etats-Unis et en France, la manière dont les politiques d’aménagement du territoire se sont approprié les méthodes géomatiques (SIG) et à expliquer les leviers de cette appropriation.

Son rapport donne la vision d’un Américain sur le système français, une description du monde académique et professionnel construite en fonction de sa perception d’outre-Atlantique.

Issu de la topographie traditionnelle, David Gibson a été à la fois acteur et témoin de l’émergence de la géographie numérique, tant dans le monde de la recherche académique que dans le monde professionnel des utilisateurs. Il est ainsi devenu l’un des meilleurs spécialistes de l’histoire récente de la géomatique, et son regard sur notre activité est très intéressant.

Pendant son séjour il a rencontré un grand nombre de professionnels de la géomatique et du foncier (géomètres-experts, ingénieurs territoriaux, consultants en SIG, notaires, distributeurs de logiciels, chercheurs…). Etant basé au Mans et souhaitant connaître le fonctionnement d’un cabinet typique de géomètre-expert, David Gibson s’est rapproché du cabinet Guillerminet et a rencontré le géomètre-expert et ses collaborateurs au bureau et sur le terrain. C’est dans le même esprit qu’il a visité la société IMAO, membre du SNEPPIM et probablement représentative de l’ensemble des entreprises françaises de photographie aérienne. Il a participé à diverses rencontres : congrès des géomètres-experts, journées ESRI, salon Intergeo, réunions AFIGéo… Au cours de ces échanges, mais aussi en étudiant les offres d’emploi sur le site Georezo, il s’est fait une idée des métiers de la géomatique tels qu’ils sont pratiqués en France.

Aux Etats-Unis, lorsque David Gibson a débuté sa carrière dans les années 1970, la formation en topographie (survey engineering) était assurée en appui aux cursus de génie civil mais elle n’a pas réussi à attirer les bons étudiants et les formateurs qui partaient en retraite. Les topographes sont restés une profession peu prestigieuse où l’on était formé « sur le tas », et lorsque les SIG ont commencé à se développer les topographes n’ont pas participé à cette aventure technologique. En France, où toutes ces branches de la géomatique font l’objet d’une formation au niveau bac + 5 (ingénieur ou master), il semble qu’elles soient moins cloisonnées qu’aux Etats-Unis. Lorsqu’il propose une typologie des métiers de la géomatique, David Gibson voit à peu près les mêmes catégories de métiers dans les deux pays : (1) les topographes, (2) les photogrammètres et cartographes, (3) les spécialistes des systèmes d’information géographique et (4) les institutions étatiques chargées d’encourager et réguler l’industrie de la géomatique.

David Gibson qui a œuvré pendant toute sa carrière au décloisonnement des différents domaines, n’a connu dans son université que des promotions très réduites. Aussi était-il très impressionné en arrivant à l’ESGT de voir des promotions de près d’une centaine d’étudiants.

Pour étayer sa comparaison, David Gibson cite volontiers la profession de géomètre-expert qu’il trouve particulièrement complète (avec des compétences techniques et juridiques), sans équivalent aux Etats-Unis. C’est selon lui ce qui confère au géomètre-expert français son prestige social et permet à la profession de s’auto-réguler et de se voir confier une mission de service public par le gouvernement.

Aux Etats-Unis, les spécialistes du SIG (environ 5500), souvent issus d’une formation universitaire en géographie, sont répertoriés dans le cadre d’une organisation associative de statut privé : chacun est GISP (GIS Professional) avec un numéro d’ordre. La profession construit donc son image et sa légitimité dans un cadre privé. L’État ne joue aucun rôle, le seul monopole est en quelque sorte celui d’ESRI qui détient 98% du marché et réunit 15000 participants dans sa conférence annuelle à San Diego. Ainsi, les SIG mis en œuvre dans les différentes collectivités américaines ont souvent un fonctionnement hétérogène en l’absence de procédures communes. Au contraire, une caractéristique typique du système français est le rôle de l’IGN, avec une situation de monopole sur certaines activités. La concurrence entre l’IGN (établissement public) et une entreprise privée de photogrammétrie est étrange pour un Américain, mais David Gibson reconnaît que l’IGN a contribué à instaurer une excellence technique que l’on n’a pas toujours dans un contexte purement concurrentiel.

David Gibson a rencontré des interlocuteurs de différents pays d’Europe lors du salon Intergeo à Hanovre, et a constaté que la France est souvent citée en exemple en matière de gestion de l’information géographique et de mise en application de la directive Inspire. Il a par ailleurs une vision très critique de la manière dont les SIG sont mis en œuvre aux Etats-Unis, de manière cloisonnée et sans réelle cohérence entre les différentes échelles administratives (Gouvernement fédéral, État, county, ville) et considère comme exemplaire le réseau français des plates-formes régionales dont il a visité trois réalisations (Auvergne, Bretagne, Pays de la Loire). Lorsqu’il affirme que la France est en avance sur les Etats-Unis, la première réaction de ses interlocuteurs est d’être incrédules. Pourtant, le fait que des succès industriels spectaculaires comme le GPS, les logiciels ESRI ou Google Earth soient partis des Etats-Unis est surtout lié à une formidable capacité technologique et financière, mais ne garantit nullement la cohérence de leur mise en œuvre ni le rôle qu’on pourrait en attendre pour répondre aux enjeux écologiques et sociaux de notre temps. Ainsi, dit-il dans sa langue maternelle, France is ahead even is ESRI is in San Diego.

David Gibson présentant ses conclusions le 8 novembre au CNAM devant les membres de l’AFIGéo

Son rapport